un bagnard du revermont

Publié le par Jérôme Croyet

Pierre Marie Bouvyeron : De Cuisiat au bagne

par Jérôme Croyet, docteur en histoire, bibliothécaire de la S.E.A.

 

 

Le 23 janvier 1857, un incendie « attribué à la malveillance » ravage les maisons des frères Bouveyron de Cuisiat. Dès le lendemain, un des frères, Pierre Marie est arrêté. Vivant en mauvaise intelligence avec son frère, l’ayant déjà menacé, n’ayant pas manifesté d’émotions lors de cet incendie et n’ayant pas un bon alibi, il est rapidement inculpé. Il est jugé et condamné à 12 ans de travaux forcés le 20 juin 1865. D’abord enfermé au bagne de Toulon, où il reste trente mois, il est transféré à l’île du Salut en Guyane, en 1868, au plus grand désespoir de son père. Il devient alors de détenu de 1ère catégorie numéro 14270. Durant l’été 1868, son père lui conseille de s’établir, après sa peine, en Guyane. Mais Bouveyron refuse, argumentant la dureté du climat et le coût exorbitant de la vie. Sans beaucoup de nouvelles de sa famille, il se rend compte que la gestion de ses biens confiée à un tuteur, qui n’est autre que con frère, n’est pas régulière ; que devant toucher 600 francs de revenus par an, il ne reçoit rien. Durant l’automne 1868, il encourage son père à agir pour lui obtenir une grâce spéciale de Napoléon III, ce qu’il obtient, le 15 août 1870, par une remise de peine de 4 ans. Libéré en 1872, il ne peut pas rentrer en France et doit s’installer chez un instituteur à Irun, en Espagne, où, miséreux, il découvre un pays qui le charme.

Durant sa captivité et son exil, il écrit plus de 24 lettres avec son père puis monsieur Cœur.

« Je vous écris du plus profond respect de mon cœur et de plus avec une grande joie que j’apprend…que vous me pardonnez de tout votre cœur ainsi que mes frères et belle sœur…je suis bien meurtri et je le suis encore d’être obligé de quitter la France pour toujours…je vous dirai que la traversée m’avait beaucoup fatigué le climat me fatigue beaucoup…où je suis ceux qui ont beaucoup d’argent…ont plus d’avantages que les autres » (lettre de Guyane du 11 août 1867).

« Je suis très chagrin de ne pas recevoir de vos nouvelles…je suis aussi bien chagrin que mon frère ne m’a pas écrit et qu’il n’a pas répondu à ma lettre…tout ceci me fait un si grand chagrin sitôt que je suis seul je ne fais que pleurer sans pouvoir m’en empêcher » (lettre de Guyane du 5 mars 1868).

« Dans trente mois que j’ai resté à Toulon j’ai vu partir peut être cent camarades en liberté par des grâces espécialles de leur famille ou des amis qui c’étaient employés en leurs faveurs…j’ai même vu partir des condamnés à vie qui n’avaient que sept ans de fait, il est vrai que c’étaient des gens de grandes familles et …qu’ils avaient dépenser beaucoup d’argent » (lettre de Guyane du 5 novembre 1868).

«Il est malheureux après avoir été exilé…de ne pouvoir obtenir de rentrer au sein de sa famille et de ses propriétés pour pouvoir vivre en les cultivant. Plus fort que ça, avant le 1er janvier 72, on laissait partir les libérés de la Guyane de la manière qu’ils les entendaient et à cette époque l’administration de la Guyane a fait un arrêté qu’à l’avenir on ne pourrait partir qu’aux Etats Unis, ce qui m’a fait dépenser une somme de 1100 francs pour venir en Espagne » (lettre d’Irun du 29 décembre 1872).

« Etant depuis 8 à 9 mois malade et sans argent depuis plus de 2 mois et ayant déjà des dettes antérieures vous pouvez comprendre, monsieur, que sans la charité de braves gens je serai déjà mort de misère et de langueur » (lettre d’Irun du 13 mars 1875).

Malgré tout, il rentre à Cuisiat en 1880, six ans après avoir appris le décès de son père dans une lettre. Il est réhabilité par un arrêt de la cour d’appel de Lyon, le 13 novembre 1889.
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